Libération : Conflit en mer de Chine méridionale. Dix questions pour comprendre

Meridional-Sea
Meridional-Sea

Dix questions pour comprendre le conflit en mer de Chine méridionale (Clic ICI)

Par Laurence Defranoux — 12 juillet 2016 à 07:23 (mis à jour à 11:49)

Un tiers du trafic maritime mondial transite par la mer, semi-fermée, de Chine méridionale.

Un tiers du trafic maritime mondial transite par la mer, semi-fermée, de Chine méridionale. Infographie BIG

Ou pourquoi une dispute entre Pékin et Manille à propos d’îlots en Asie fait des vagues tout autour de la terre.

  Dix questions pour comprendre le conflit en mer de Chine méridionale

Ce mardi, la Cour permanente d’arbitrage (CPA) de La Haye a rendu public son verdict sur le conflit qui oppose la Chine et les Philippines, donnant raison à Manille. La réaction de Pékin pourrait déstabiliser une région du monde où se confrontent des intérêts économiques et politiques multiples. «La décision des juges est nulle et non avenue», a réagi immédiatement l’agence de presse gouvernementale Chine nouvelle, tandis que Manille appelait à la «retenue et la sobriété».

La mer de Chine méridionale, c’est où ?

C’est une mer semi-fermée, appelée aussi mer de Chine du Sud, qui mesure environ 3 000 kilomètres de long sur 1 000 kilomètres de large. Elle est bordée par les Philippines, la Chine, l’Indonésie, le Vietnam, Brunei, la Malaisie, Singapour et Taiwan. Elle est parsemée de milliers de récifs non identifiés, et de plus de 200 îles qui portent des noms différents selon les pays. Par exemple, l’archipel des Paracels est connu sous le nom de Xisha en Chine.

En quoi est-elle un secteur clé de la planète ?

Un tiers du commerce maritime de la planète transite sur ses eaux. Elle est aussi très riche en poissons et son sous-sol regorge de pétrole et de gaz. Depuis toujours, les pays voisins se disputent le contrôle des îles, qui servent d’abri contre les typhons et de postes militaires avancés. Les escarmouches sont parfois meurtrières, comme en 1974 et en 1988, entre le Vietnam et la Chine.

Que s’y joue-t-il en ce moment ?

Depuis quelques années, la situation s’est beaucoup dégradée entre les pays frontaliers. Brunei, la Malaisie, les Philippines, Taiwan et le Vietnam revendiquent des droits sur des îles ou des îlots, l’archipel des Spratleys étant particulièrement disputé. La Chine, elle, veut étendre sa souveraineté sur 80% de la mer de Chine méridionale, mettant en avant des «droits de passage historiques» qui n’ont pas de valeur légale.

Les îles Spratleys

Que se passe-t-il entre les Philippines et la Chine ?

La zone revendiquée par la Chine englobe des îles réclamées par Manille, notamment le récif de Scarborough, un atoll accaparé par Pékin en 2012. Les Philippines ont saisi dès 2013 la Cour permanente d’arbitrage de La Haye afin de trouver une issue légale au conflit. La Chine, qui demande à ce que le différend soit réglé directement entre les deux Etats, a prévenu qu’elle ne reconnaîtra pas l’autorité des cinq juges dans cette affaire, qui selon elle concerne le tracé de ses frontières.

LIRE NOTRE ANALYSE :

Bras de fer pour un bras de mer

La Cour permanente d’arbitrage, c’est quoi ?

Créée en 1899 aux Pays-Bas, la CPA arbitre désormais la plupart des conflits maritimes en vertu de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (Unclos), signée en 1982 à Montego Bay, en Jamaïque, et ratifiée par les deux pays. Ses décisions auront force de loi. La semaine dernière, le nouveau président philippin a fait un geste d’apaisement, en proposant à son immense voisin de partager les ressources naturelles de la zone disputée, même en cas de décision en faveur des Philippines.

Que dit le droit de la mer ?

Un Etat côtier est souverain sur le sol, le sous-sol et l’espace aérien au-dessus de ses «eaux intérieures», soit les ports, les baies… Dans la «mer territoriale», jusqu’à 12 milles nautiques des côtes (une vingtaine de kilomètres), les navires étrangers disposent d’un droit de passage «inoffensif», et le droit de police s’exerce jusqu’à 24 milles. Nerf de la guerre, la «zone économique exclusive» (ZEE) s’étend jusqu’à 200 milles, soit 370 kilomètres. L’Etat côtier y maîtrise la pêche, la construction d’ouvrages et l’exploitation du sol et du sous-sol, mais la navigation y est libre pour tous, y compris pour des exercices militaires.

NOTRE DÉCRYPTAGE :

Comment les Etats se partagent l’océan et les ressources

Qu’appelle-t-on la «Grande Muraille de sable» ?

Pour générer une ZEE autour d’une île, il faut qu’elle ne soit pas recouverte à marée haute, qu’elle soit habitée et qu’elle possède une activité économique propre. Pour cela, les différents gouvernements font construire des pistes d’atterrissage ou des casemates, espérant faire reconnaître un jour leur souveraineté. Mais la Chine a mis les bouchées doubles depuis deux ans, entreprenant des travaux de titan pour transformer de simples atolls ou hauts-fonds en îles habitées, constructions qu’un commandant américain a qualifiées de «Grande Muraille de sable».

À LIRE AUSSI :

Croisières, soleil et patriotisme à la chinoise

La «ligne en neuf traits», c’est quoi ?

Elle est aussi appelée «la langue de bœuf». Cette délimitation en pointillés, qui n’est pas reconnue officiellement mais qui figure désormais sur les passeports chinois, a été tracée par le gouvernement de la République de Chine en 1948. C’est cette carte que la Chine populaire a déposée auprès de l’ONU, en 2009, pour justifier sa souveraineté sur la zone. Pour l’instant, Pékin se contente d’actions civiles à cet endroit : colonisation, tourisme, patrouilles de garde-côtes. En n’utilisant que des moyens civils, les autorités chinoises pourraient taxer tout accrochage avec une armée étrangère d’agression militaire. Mais de plus en plus, des opérations d’intimidation menées par des milices sont dénoncées par les pêcheurs étrangers.

À LIRE AUSSI :

L’expansion chinoise en toile de fond

Quel est l’intérêt de la Chine ?

Si les revendications des autres pays sont surtout économiques, celles de Pékin ont aussi une grande dimension politique. Le nationalisme chinois, monté en puissance depuis la fin des années 2000, est particulièrement agressif depuis l’arrivée au pouvoir du président Xi Jinping en 2013. La défense des intérêts nationaux est devenue une priorité vis-à-vis de l’opinion publique et ces dernières semaines, les autorités multiplient les actions de propagande, y compris un clip en dessin animé (sous-titré en anglais). «Il est naïf de croire que la Chine va avaler la pilule amère d’une humiliation», écrivait le quotidien officiel chinois Global Times, la semaine dernière.

RELIRE L’INTERVIEW DE VALÉRIE NIQUET :

«La Chine voudrait que l’ensemble de la région passe sous sa souveraineté»

Et celui des Etats-Unis ?

Washington, qui vient de renforcer son alliance avec Manille, entend devenir le gendarme de la zone, bien que les Etats-Unis n’aient jamais ratifié la convention des Nations unies du droit de la mer. Avions et navires américains multiplient depuis quelques mois les «opérations de libre navigation» à moins de 12 milles des îles disputées, prévenant à l’avance les autorités occupant l’île. Le secrétaire américain à la Défense, Ashton Carter, a mis en garde Pékin contre «toute action provocatrice et déstabilisatrice». Pour rappeler leur puissance, les Etats-Unis viennent de réaliser dans les eaux philippines des exercices militaires avec deux porte-avions, 140 avions de chasse et 12 000 hommes. De son côté, l’armée chinoise a démarré ce week-end des manœuvres d’envergure entre l’île d’Hainan et l’archipel des Paracels.

Le récif de Fiery Cross, dans l’archipel des Spratleys, vu par satellite le 17 avril 2015. Les autorités chinoises y ont notamment fait construire une piste d’atterrissage et un port.

Le récif de Fiery Cross, dans l’archipel des Spratleys, vu par satellite en janvier 2006 puis en avril 2015, avant et après les constructions chinoises. (Photo CSIS AMTI. AFP)

Laurence Defranoux

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.