Le grand tour de Miguel Gomes

 Le Grand Tour

de Miguel Gomes

Le film  tire son nom d’un itinéraire touristique bien connu, le Grand Tour asiatique. À travers cette œuvre, Gomes nous invite à explorer les étapes de ce voyage emblématique tout en mêlant imagination et réflexion critique, oscillant entre le plaisir du globe-trotteur et une satire incisive de l’héritage colonial.

L’intrigue se déroule en 1918 et se divise en deux parties distinctes. La première partie suit Edward (interprété par Gonçalo Waddinton), un fonctionnaire colonial anglais, qui tente de fuir les avances de sa fiancée, Molly (Crista Alfaiate), qui l’a retrouvé à Mandalay après une longue séparation. La seconde moitié du récit se concentre sur la quête déterminée de Molly pour retrouver Edward, qui semble toujours lui échapper, arrivant à chaque lieu juste après son départ. Bien que les personnages soient anglais, les acteurs s’expriment en portugais, ajoutant une dimension fascinante à cette histoire.

Molly incarne un optimisme indéfectible, qui frôle parfois la désillusion. Consciente de l’absence d’Edward, elle réagit à chaque nouvelle décevante par un rire mémorable et saccadé. La performance d’Alfaiate brille à travers la structure conceptuelle de Gomes, mais à la fin du film, son rire, initialement perçu comme un défi, semble se muer en une forme de délire. Au fil du voyage, Molly se perd dans ce monde étranger, et ses convictions se transforment en une folie qui pèse lourdement sur ceux qui l’entourent, notamment ses compagnons natifs.

Le Grand Tour s’inscrit dans une tradition populaire parmi les Occidentaux cherchant une introduction à l’Asie au début du XXe siècle. Le parcours, qui s’étend de Mandalay à Rangoon, puis à Singapour, avant de continuer à travers Bangkok, Saïgon, Manille et Osaka, pour se conclure à Shanghai, est soigneusement conçu pour satisfaire le goût pour l’exotisme oriental de l’époque, tout en restant accessible aux touristes.

Ce film, tout en étant une exploration divertissante, nous interroge sur les implications plus profondes du colonialisme et de la quête d’identité dans un monde en mutation.

Bigna Margaretha Grieder