ONU : Crimes contre l’humanité commis par Pékin contre les Ouïghours.

Répressions-Ouighours
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La minorité ouïghoure est l'objet d'une campagne de répression par Pékin.

La minorité ouïghoure est l’objet d’une campagne de répression par Pékin.keystone
01.09.2022, 09:5301.09.2022, 12:38

« Crimes contre l’humanité »

L’ONU sort (enfin) son rapport sur les Ouïghours et la Chine est furieuse

Très attendu, le rapport de l’ONU sur la répression des Ouïghours par le régime chinois livre ses conclusions. Il fait état de «preuves crédibles» de tortures et de violences sexuelles sur cette minorité de l’est de la Chine et appelle à une action internationale.
Le rapport très attendu de l’ONU sur le Xinjiang, publié in extremis mercredi, évoque de possibles «crimes contre l’humanité» commis par Pékin contre la minorité ouïghoure.

Dans sa conclusion, le rapport — d’un peu moins de cinquante pages — tire à boulets rouges sur Pékin:

«L’ampleur de la détention arbitraire et discriminatoire de membres des Ouïghours et d’autres groupes à prédominance musulmane (…) peut constituer des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité.»
Rapport de l’ONU sur le Xinjiang

Ultime coup d’éclat pour Michelle Bachelet

L’ancienne présidente chilienne Michelle Bachelet, dont c’était le dernier jour à la tête du Haut-Commissariat après un mandat de quatre ans, tient ainsi in extremis sa promesse en laissant publier le document peu avant minuit à Genève.

Michelle Bachelet 👆

Michelle Bachelet 👆keystone

S’il ne semble pas comporter de révélations par rapport à ce qui était déjà connu de la situation dans le Xinjiang, ce document apporte le sceau de l’ONU aux accusations portées de longue date contre les autorités chinoises.

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Pressions de toutes parts

La sortie du rapport a fait l’objet de pressions intenses de toutes parts:

  • de la part de ses partisans tout d’abord — notamment des Etats-Unis et des grandes ONG de défense des droits humains, pour que sa publication soit assurée,
  • et à l’inverse, pour l’empêcher de voir la lumière du jour, de la part de Pékin — qui considère le rapport comme une «farce» orchestrée par les Occidentaux, Washington en tête.
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«Génocide» ou non?

Le texte de l’ONU ne fait pas mention du terme «génocide», une accusation portée contre Pékin par le gouvernement américain. Michelle Bachelet, accusée d’être trop indulgente envers Pékin, a défendu son texte:

«Dialoguer et essayer de mieux comprendre ne veut pas dire que l’on est tolérant, que l’on détourne le regard ou que l’on ferme les yeux. Et encore moins que l’on ne peut pas parler franchement.»
Michelle Bachelet, Haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU
Le Parlement canadien reconnaît le génocide ouïghour, la Chine fâchée

En janvier, l’Assemblée nationale française, emboîtant le pas à la représentation du Royaume-Uni, des Pays-Bas ou encore du Canada, avait qualifié de «génocide» le traitement des Ouïghours par la Chine.

«Torture et violences sexuelles»

Dans ce document, l’ONU a appelé la communauté internationale à agir d’urgence face aux accusations de torture et de violences sexuelles dans la région chinoise du Xinjiang, que l’organisation juge «crédibles».

«Les allégations faisant état de pratiques récurrentes de la torture ou des mauvais traitements, notamment de traitements médicaux forcés et de mauvaises conditions de détention, sont crédibles, tout comme le sont les allégations individuelles de violences sexuelles et fondées sur le genre.»
Rapport de l’ONU sur le Xinjiang
Des policiers chinois patrouillent dans la rue, dans la région du Xinjiang.

Des policiers chinois patrouillent dans la rue, dans la région du Xinjiang.keystone

Le conseil des droits de l’homme de l’ONU «devrait utiliser ce rapport pour lancer une enquête exhaustive sur les crimes contre l’humanité du gouvernement chinois», a estimé Sophie Richardson, directrice de l’ONG Human Rights Watch pour la Chine.

«Ce rapport met à nu les violations massives des droits fondamentaux par la Chine»
Sophie Richardson, Human Rights Watch Chine
Des minorités chinoises victimes de prélèvements forcés d’organes

«Il est l’heure de rendre des comptes»

Amnesty International exige que le conseil des droits de l’homme «mette sur pied un mécanisme indépendant et international pour enquêter» sur ces crimes au Xinjiang.

«Ce rapport ouvre la voie à des actions sérieuses et tangibles des Etats membres, des agences de l’ONU et des entreprises», s’est réjoui le président du Congrès mondial Ouïghour et d’ajouter:

«L’heure de rendre des comptes sonne maintenant»
Dolkun Isa, président du Congrès mondial Ouïghour
Une fuite de données montre que la Chine traite les Ouïghours avec cruauté

La Chine est furieuse. Selon elle, ce document est basé «sur la désinformation et des mensonges fabriqués par les forces anti-chinoises», écrit l’ambassade de Chine auprès de l’ONU à Genève dans le commentaire attaché au rapport:

«Ce rapport diffame et calomnie gratuitement la Chine et s’immisce dans ses affaires intérieures»
Ambassade de Chine auprès de l’ONU

Accusations de stérilisations et d’avortements forcés

Le Xinjiang et d’autres provinces de Chine ont été frappés pendant plusieurs décennies, et notamment de 2009 à 2014, par des attentats attribués à des islamistes ou des séparatistes ouïghours.

Un Ouïghour priant dans une mosquée.

Un Ouïghour priant dans une mosquée.keystone

Depuis plusieurs années, la région fait ainsi l’objet d’une intense surveillance: caméras omniprésentes, portiques de sécurité dans les bâtiments, forces armées très visibles dans les rues, restrictions à la délivrance des passeports…

Des études occidentales, fondées sur des interprétations de documents officiels, des témoignages de victimes présumées et des estimations statistiques, accusent Pékin d’avoir interné dans des «camps» au moins un million de personnes, majoritairement ouïghoures, d’effectuer des stérilisations et avortements «forcés», ou encore d’imposer du «travail forcé».

L’ONU ne corrobore pas ce chiffre, mais note «qu’une proportion significative» des ouïghours et minorités musulmanes ont été internées.

Tortures, stérilisations et viols, des Ouïghours racontent leur enfer

La Chine dément ces accusations. Pékin présente en outre les «camps» comme des «centres de formation professionnelle» destinés à éloigner les habitants de l’extrémisme religieux, et qui seraient désormais fermés, car tous les «étudiants» auraient «achevé leur formation».