« Crimes contre l’humanité »
L’ONU sort (enfin) son rapport sur les Ouïghours et la Chine est furieuse
Dans sa conclusion, le rapport — d’un peu moins de cinquante pages — tire à boulets rouges sur Pékin:
Ultime coup d’éclat pour Michelle Bachelet
L’ancienne présidente chilienne Michelle Bachelet, dont c’était le dernier jour à la tête du Haut-Commissariat après un mandat de quatre ans, tient ainsi in extremis sa promesse en laissant publier le document peu avant minuit à Genève.
S’il ne semble pas comporter de révélations par rapport à ce qui était déjà connu de la situation dans le Xinjiang, ce document apporte le sceau de l’ONU aux accusations portées de longue date contre les autorités chinoises.
Pressions de toutes parts
La sortie du rapport a fait l’objet de pressions intenses de toutes parts:
- de la part de ses partisans tout d’abord — notamment des Etats-Unis et des grandes ONG de défense des droits humains, pour que sa publication soit assurée,
- et à l’inverse, pour l’empêcher de voir la lumière du jour, de la part de Pékin — qui considère le rapport comme une «farce» orchestrée par les Occidentaux, Washington en tête.
«Génocide» ou non?
Le texte de l’ONU ne fait pas mention du terme «génocide», une accusation portée contre Pékin par le gouvernement américain. Michelle Bachelet, accusée d’être trop indulgente envers Pékin, a défendu son texte:
En janvier, l’Assemblée nationale française, emboîtant le pas à la représentation du Royaume-Uni, des Pays-Bas ou encore du Canada, avait qualifié de «génocide» le traitement des Ouïghours par la Chine.
«Torture et violences sexuelles»
Dans ce document, l’ONU a appelé la communauté internationale à agir d’urgence face aux accusations de torture et de violences sexuelles dans la région chinoise du Xinjiang, que l’organisation juge «crédibles».
Le conseil des droits de l’homme de l’ONU «devrait utiliser ce rapport pour lancer une enquête exhaustive sur les crimes contre l’humanité du gouvernement chinois», a estimé Sophie Richardson, directrice de l’ONG Human Rights Watch pour la Chine.
«Il est l’heure de rendre des comptes»
Amnesty International exige que le conseil des droits de l’homme «mette sur pied un mécanisme indépendant et international pour enquêter» sur ces crimes au Xinjiang.
«Ce rapport ouvre la voie à des actions sérieuses et tangibles des Etats membres, des agences de l’ONU et des entreprises», s’est réjoui le président du Congrès mondial Ouïghour et d’ajouter:
La Chine est furieuse. Selon elle, ce document est basé «sur la désinformation et des mensonges fabriqués par les forces anti-chinoises», écrit l’ambassade de Chine auprès de l’ONU à Genève dans le commentaire attaché au rapport:
Accusations de stérilisations et d’avortements forcés
Le Xinjiang et d’autres provinces de Chine ont été frappés pendant plusieurs décennies, et notamment de 2009 à 2014, par des attentats attribués à des islamistes ou des séparatistes ouïghours.
Depuis plusieurs années, la région fait ainsi l’objet d’une intense surveillance: caméras omniprésentes, portiques de sécurité dans les bâtiments, forces armées très visibles dans les rues, restrictions à la délivrance des passeports…
Des études occidentales, fondées sur des interprétations de documents officiels, des témoignages de victimes présumées et des estimations statistiques, accusent Pékin d’avoir interné dans des «camps» au moins un million de personnes, majoritairement ouïghoures, d’effectuer des stérilisations et avortements «forcés», ou encore d’imposer du «travail forcé».
L’ONU ne corrobore pas ce chiffre, mais note «qu’une proportion significative» des ouïghours et minorités musulmanes ont été internées.
La Chine dément ces accusations. Pékin présente en outre les «camps» comme des «centres de formation professionnelle» destinés à éloigner les habitants de l’extrémisme religieux, et qui seraient désormais fermés, car tous les «étudiants» auraient «achevé leur formation».