La graine du figuier sacré de Mohammad Rasoulof

La graine du figuier sacré

de Mohammad Rasoulof

C’est avec une émotion palpable que le cinéaste iranien Mohammad Rasoulof fait son apparition à Cannes avec son dernier film, La graine du figuier sacré. Après une fuite clandestine de son pays natal, où il a été condamné à huit ans de prison pour son activisme, Rasoulof offre une œuvre puissante et engagée qui résonne avec l’actualité brûlante des manifestations de 2022 en Iran.

Le film s’ouvre sur la vie d’une famille apparemment ordinaire, mais rapidement, les tensions sous-jacentes liées à la répression politique émergent. Le patriarche, Iman, interprété avec ferveur par Misagh Zare, est un fonctionnaire qui doit jongler entre ses obligations professionnelles et les valeurs morales qui le déchirent. Sa femme, Najmeh (Soheila Golestani), se réjouit de sa promotion, ignorant les conséquences éthiques de l’emploi que son mari occupe dans un système oppressif. Les deux filles, Rezvan et Sana, incarnées par Mahsa Rostami et Setareh Maleki, sont les victimes innocentes de ce dilemme familial, ignorant encore l’horreur qui se cache derrière le bonheur apparent de leur foyer.

Au fur et à mesure que l’histoire progresse, un incident tragique – l’amie des filles, Sadaf, blessée lors d’une descente policière – agit comme un catalyseur qui fait exploser la façade de normalité. Les filles, témoins de la brutalité du régime à travers les réseaux sociaux, commencent à remettre en question la vie qui leur a été imposée. C’est ici que Rasoulof réussit à capturer l’essence même de la jeunesse iranienne, tiraillée entre tradition et désir de liberté.

Le film se distingue par son audace narrative, mêlant fiction et réalité en intégrant des images de manifestations réelles censurées par le gouvernement iranien. Ce choix stylistique renforce l’urgence du message de Rasoulof, qui ne se contente pas de raconter une histoire, mais s’inscrit comme un acte de résistance. L’utilisation de ces images, souvent déchirantes, rappelle au public que les luttes des personnages ne sont pas seulement fictives, mais bien ancrées dans une réalité tragique.

La performance des actrices principales, en particulier celle de Golestani, est à la fois poignante et révélatrice. Golestani, qui a elle-même été emprisonnée pour son engagement lors des manifestations Women, Life, Freedom, incarne une mère déchirée entre son amour pour sa famille et sa conscience politique. Sa performance, empreinte de subtilité, est le cœur battant du film.

L’ovation debout de plus de quinze minutes reçue par Rasoulof à Cannes témoigne de l’impact émotionnel profond que le film a eu sur le public. Il est indéniable que La graine du figuier sacré est une œuvre qui transcende le simple divertissement pour devenir un cri de désespoir et d’espoir à la fois, un appel à l’éveil des consciences.

En conclusion, La graine du figuier sacré n’est pas seulement un film, c’est un témoignage. À travers l’histoire d’une famille, Rasoulof nous confronte aux réalités d’un régime oppressif et aux luttes des femmes et des jeunes en Iran. C’est un film nécessaire, qui laisse une empreinte indélébile dans l’esprit et le cœur des spectateurs. Un chef-d’œuvre de résistance artistique qui mérite d’être vu et entendu.

Nhân NGUYEN DINH