LA JEUNE FEMME À L’AIGUILLE de Magnus von Horn

LA JEUNE FEMME À L’AIGUILLE

de Magnus von Horn

Adapté de l’histoire vraie de Dagmar Overbye, une tueuse en série danoise, le film plonge le spectateur dans les rets sombres de l’après Première Guerre mondiale, à travers le regard d’une femme piégée entre désespoir et choix tragiques.

Trine Dyrholm incarne avec brio Karoline, une mère en détresse dont la vie est marquée par la perte et la déception. Le décor de Copenhague, dépeint comme un milieu ouvrier boueux et désenchanté, reflète parfaitement l’état d’esprit de son héroïne. Avec un mari porté disparu sur le front, Karoline se débat pour subvenir à ses besoins en tant que couturière dans une usine de lin, un emploi épuisant qui ne fait qu’accentuer son désespoir. La rencontre avec Jørgen (Joachim Fjelstrup), le riche propriétaire d’usine, et leur liaison tumultueuse deviennent des éléments clés de sa descente aux enfers.

Le film ne se contente pas de raconter une histoire d’amour malheureux ; il explore les choix déchirants de Karoline, qui se retrouve face à une grossesse inattendue. La scène où elle tente de se faire avorter dans un bain public est particulièrement poignante. C’est là qu’elle croise le chemin de Dagmar, interprétée par Dyrholm, qui, sous des airs bienveillants, se révèle être une figure sinistre, une tueuse de bébés déguisée en sainte. Ce personnage, à la fois fascinant et terrifiant, est l’incarnation de la manipulation et de la séduction fatale.

La dynamique entre Karoline et Dagmar est au cœur du film. Karoline, dans une quête désespérée pour échapper à la réalité, tombe innocemment sous l’influence de Dagmar, ignorant les conséquences de ses choix. La manière dont le film construit cette relation est habile, révélant lentement la profondeur du piège dans lequel Karoline s’est engagée. Elle devient nourrice pour les enfants que Dagmar « sauve », ignorant qu’elle est en réalité complice d’une entreprise criminelle.

« La Fille à l’aiguille » est une œuvre qui parvient à capturer le malaise et l’angoisse de son époque, tout en posant des questions intemporelles sur la maternité, le sacrifice et la moralité. Le scénario, bien écrit et bien interprété, tient le spectateur en haleine tout en suscitant une réflexion sur la condition humaine. La direction de Magnus von Horn est à la fois délicate et percutante, utilisant des plans serrés et des éclairages sombres pour accentuer la tension palpable.

Bien que le sujet soit difficile et parfois dérangeant, « La Fille à l’aiguille » réussit à transcender la simple histoire d’horreur pour devenir une exploration émotionnelle profonde. La performance magistrale de Dyrholm, oscillant entre douceur et froideur, laisse une empreinte indélébile, tandis que le récit de Karoline devient une métaphore poignante des choix désespérés auxquels sont confrontées les femmes dans des circonstances désespérées.

 » La jeune femme à l’aiguille  » se distingue par sa profondeur, un film captivant qui, par son récit audacieux et ses performances puissantes, réussit à nous plonger dans un monde à la fois tragique et fascinant.

Nhân NGUYEN DINH