Cannes 2022 Vanskabte Land de Hlynur Palmason

Godland
Godland

Vanskabte Land

de Hlynur Palmason

Godland de Hlynur Palmason, présenté à Un Certain Regard au Festival de Cannes, vient d’un double titre original, Vanskabte Land/Volaoa Land, en danois et en islandais qui signifient « terre misérable ».

Après avoir été découvert à Cannes et chaudement applaudi pour ses deux précédents films (Winter Brothers et Un jour si blanc) le cinéaste travaille sur les défaillances du corps en proie à un environnement hostile et sur le problème de communication causé par la barrière de langage

Au XIXe siècle, Lucas (Elliott Crosset Hove), est missionné par l’Eglise du Danemark pour aller bâtir une église en terre d’Islande, réputée inhospitalière. On lui adjoint un dénommé Ragnar (Ingvar Sigurdsson) qui ne parle pas un mot de danois. Les deux hommes embarquent sur un navire. Sur le bateau qui le mène à sa mission, Lucas tente durant la traversée d’apprendre la langue islandaise. A commencer par des mots qui désignent la pluie en islandais.

Après un long et aride périple pour rejoindre le village, Lucas se réveille après une période d’inconscience dans la maison d’un veuf danois robuste, Carl (Jacob Hauberg Lohmann), et de ses deux filles, Anna (Vic Carmen Sonne) qui est majeure et sa sœur cadette Ida (Ída Mekkín Hlynsdóttir) d’une quinzaine d’année.

Lors de son premier dîner avec eux, Lucas est plongé dans un étrange silence, apparemment stupéfait d’être en vie. Il réagit à peine lorsque Carl manifeste sa malveillance.

La construction de l’église est bien avancée. Bien qu’il participe aux festivités du mariage des agriculteurs voisins, Lucas refuse d’organiser leur cérémonie nuptiale parce que le lieu de culte n’est qu’à moitié terminé.

Pendant ce temps, les spéculations grandissent parmi les habitants, y compris Ida qui veut savoir si Lucas épousera Anna, sa soeur. Elle dit au prêtre «  si tu te marie avec Anna, tu dois te marier avec moi aussi ».

La dernière ligne droite tonitruante du drame commence lorsque Ragnar s’approche de Lucas alors qu’il photographie le littoral et demande au prêtre de prendre sa photo, comme il l’a fait pour Carl, Anna, Ida et d’autres. Le refus mesquin de Lucas est saisissant, d’autant plus lorsque l’Islandais se lance dans une litanie confessionnelle de ses péchés, chacun ponctué du refrain « Priez pour moi ». Ce qui suit révèle à quel point la bataille des volontés est profondément gravée dans l’âme des deux hommes, avec un conflit ancré même dans leur manque de langue commune, mais seul Ragnar semble capable d’humilité. Apprenant pendant la  confession que Ragnar a tué son cheval, Lucas devient fou  furieux et tue Ragnar.

Cette scène bouleversante est suivie d’une autre encore plus troublante alors que Lucas commence son premier service dans l’église maintenant terminée. Et la nature révèle qu’il est inapte à prêcher la parole de Dieu.

Le film suggère la détermination illusoire de nombreux missionnaires dans des pays étrangers, apportant avec eux non pas la sainteté mais la violence et l’agitation spirituelle.

Le talent du réalisateur réside davantage dans l’étude entre l’être et la matière plutôt dans les rapports internes entre les êtres. Le film constitue un petit chef-d’oeuvre dont l’émotion vous accompagne tout le long du récit.

Godland de Hlynur Palmason, avec Elliott Crosset Hove, Ingvar Eggert Sigurôsson et Victoria Carmen Sonne.

  Nhân NGUYEN DINH